« Décharge
interdite »
Quelques
pierres éparses sur la droite que la lumière vient mettre en
valeur. Un poteau ferme la verticalité gauche de la photographie, à
son sommet, une pancarte indique décharge interdite. Dans l’
espace étroit restant du poteau au bord de l’image, une femme
brune aux lunettes de soleil à la poitrine saillante couverte d’une
robe aux genoux et de ses souliers blancs regarde le photographe.
Est-ce son épouse ?
Fort probablement au vu de l’intensité de son regard. C’est la
seule personne à regarder vers la chambre noire parmi le nombre
incalculable de personnes grouillant sur cette anse offerte à la
mer.
Juan
les pins, tout un symbole! Le soleil, la chaleur, la baignade, la mer
méditerranée avec la température clémente de son eau. Le cadrage
est vertical, afin probablement de bien incorporer le panneau
signalétique de la ville « décharge interdite ».
Derrière les anciennes maisons, des immeubles sont en construction.
Nous sommes en 1963, pleine expansion du tourisme, la petite ville de
Juan les pins va rapidement devenir une station de prédilection pour
tous. Le ciel semble nuageux, signe d’une forte chaleur. De
nombreuses personnes se baignent, certaines avec un caoutchouc blanc
sur la tête. Ce paysage présente une mutation indéniable de notre
société, la colline est déjà touchée par une barre horizontale
qui tranche avec le château flanqué de ses quatre tours au sommet
du mamelon. D’autres constructions sont présentes et parsèment la
colline.
C’est
un véritable capharnaüm, cette anse de mer à Juan-les-Pins. C’est
tout son charme, une confusion où tout le monde se sent bien et vit
pleinement ses vacances à la mer.
Une
femme en bikini blanc prend la température de l’eau, un homme
marche d’un pas franc mais
l’attraction
principale reste la baignade. Toutes les personnes sont occupées à
quelque chose, les enfants s’amusent avec le sable, les adultes
sont en activités et debouts. Je ne vois que peu de personnes
allongées en train de faire la sieste. Non, une activité intense
règne dans ce paysage marin. Tout est action comme dans le monde du
travail. Soit c’est la nage ou les châteaux de sable, ou le bateau
mais pas de bronzage comme nous pourrions l’envisager normalement
sur une plage ensoleillée. Il n’y a pas plus d’une vingtaine de
parasols dressés sur la plage. Ce qui indique bien, vu le nombre de
personnes dans l’anse que l’espace vital restant est nul. Ceci
montre que le jeu relève bien d’un acte où toute l’attention
est sollicitée. Homme, enfant ou adulte continuent durant les
vacances à se dépenser frénétiquement, à vivre pleinement. C’est
un vrai bonheur de promener son regard dans cette image.
Il
y règne une chaleur intense, les baigneurs se mélangent avec les
pierres blanches et la dame brune, la seule ne faisant rien, attend,
droite comme le poteau que son homme finisse sa photographie. Sait
elle qu’au dessus de sa tête, il est indiqué « décharge
interdite » ?
Signalétique très répandue en France à cette époque où les
décharges sauvages avec les nuisibles en primes étaient répandues
sur l’ensemble du territoire et même à Juan-les-Pins.
Une
photographie de Juan les pins actuelle est méconnaissable. C’est
un espace désertique où les Yacht au loin trônent et où
l’activité intense du jeu a laissé place à une certaine oisiveté
fade de l’homme contemporain avec l’odeur de la crème solaire en
prime. Les immeubles ont remplacés les maisons provençales … Tout
va bien. C’est sûr, il n’y a plus de décharge et la vie sans
débordement a remplacé le capharnaüm de 1963.
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